Le 8 septembre 2021, la Ville de Grenoble a pris un arrêté interdisant la circulation dans le sens Grenoble-Fontaine sur le pont Esclangon. L’objectif de la ville de Grenoble étant de faciliter la traversée du Drac pour les mobilités actives (piétons, vélo et PMR) dans un contexte où le pont du Vercors, sans leur être interdit, est fortement anxiogène sans passage sécurisé.
La voie Grenoble-Fontaine du Pont Esclangon étant fermée depuis quelques mois dans le cadre des travaux de l’A480, ceci n’a pas eu de conséquences sur la circulation car les automobilistes s’étaient déjà habitués. Néanmoins, cela a provoqué des échanges tendus entre les élus de Fontaine et Grenoble, tous bords confondus, essentiellement par voie de presse.
Parlons-Y-Vélo a jusque là gardé ses distances avec la polémique car nous préférons faire un travail de fond et monter un dossier complet et sourcé sur le sujet de la ChronoVélo entre Fontaine et Grenoble, plusieurs de nos membres étant des périurbains traversant tous les jours le Drac. Cependant nous ne pouvons pas rester sans réaction face à cette phrase de Franck Longo, maire de Fontaine :
Moi je le fais tous les jours [le trajet vers Grenoble, ndlr] et je n’emprunte pas le pont Esclangon — qui n’est pas du tout adapté aux vélos — ou le pont Vercors mais bien celui du tram car c’est le plus court chemin. Et sur la forme, je me fâche face au mépris affiché.
le Dauphiné Libéré, 19/10/2021
Ainsi, il appelle à manifester pour la réouverture du Pont Esclangon aux motorisés sur la voie Grenoble-Fontaine, ce mercredi 20 octobre.
Le plus court chemin, mais pour qui ?
Si, pour Franck Longo, le plus court chemin consiste à traverser par le Pont du Drac, ce n’est pas nécessairement le cas pour d’autres usagers du vélo : par exemple, pour aller en direction du Polygone Scientifique depuis les digues du Drac ou depuis la TempoVélo actuelle, le plus court chemin passe clairement par le pont Esclangon ou le pont du Vercors.
Par ailleurs, parler de « plus court chemin » n’a que peu de sens. Certes, on tente parfois de minimiser la distance parcourue ainsi que les montées/descentes lorsqu’on pratique le vélo du quotidien, mais pas seulement ! Confort de roulement, largeur, partage ou non avec les voitures, visibilité et présence d’obstacles, sont autant de paramètres à prendre en compte pour des trajets à vélo sans stress ni prise de tête.
Imposer « son » plus court chemin relève d’un biais égocentré et d’une incapacité à envisager une solution préférable pour le plus grand nombre — ce qui, de notre point de vue, est surprenant de la part d’un élu local.
Le Pont du Drac, adapté à la pratique cyclable actuelle ?
Le pont du Drac est une infrastructure d’un temps révolu — et de fait, le PDU 2030 prévoit sa reprise d’ici 2023 pour l’amélioration des mobilités actives.
Les voies cyclables unidirectionnelles sont actuellement très étroites, contraintes en hauteur et en largeur par la structure du pont et l’infrastructure tramway : certains modèles de vélos cargos et de remorques y circulent difficilement, et le dépassement est pratiquement impossible. Leur revêtement est bosselé, ce qui rend le trajet délicat (en particulier en période hivernale). Les pentes côté Grenoble forcent beaucoup de personnes en moindre forme ou chargées à descendre de vélo lors du retour sur Fontaine. Et en plus de tout cela, les entrées / sorties des voies sont parsemées de potelets et de poteaux en tout genre qui font de cette traversée un vrai défi d’habileté.
Nous avions estimé avant l’été 2021 qu’au moins 1000 passages étaient réalisés chaque jour sur le pont du Drac. Nous n’avons pas de comptage officiel à disposition de la part des élus ; mais nul ne contestera que les goulots d’étranglement, d’un côté comme de l’autre, ne facilitent pas la tâche à tous les cyclistes souhaitant circuler entre Grenoble et Fontaine en empruntant ce pont.
Le Pont Esclangon : une solution temporaire ?
Concernant la fermeture au trafic motorisé d’une voie de circulation sur le Pont Esclangon, l’argument principal de la ville de Grenoble est la sécurisation de la traversée pour les piétons et les cycles en l’absence des aménagements finaux sur le pont du Vercors (prévus par le PDU 2030 d’ici 2023, et programmés dans le cadre des travaux de l’A480).
Instaurer une traversée « mobilités actives » plus sécurisée pendant les travaux sur le pont du Vercors serait rocambolesque, alors qu’une voie du Pont Esclangon est fermée depuis de nombreux mois et que le trafic s’est stabilisé avec cette « contrainte ». La traversée par le pont Esclangon permet également de compter sur la continuité directe entre la TempoVélo à Fontaine et l’arrivée sur un carrefour à Grenoble, dont chaque feu est équipé d’un doublon feu vélo en amont des feux voitures qui permet aux cyclistes de trouver un sas cyclable avant de pouvoir franchir l’intersection en toute sécurité.
Rendre public les études et les données : une priorité
Compte tenu des échanges virulents entre nos élus, nous souhaiterions que les débats soient dépassionnés et s’appuient sur des éléments factuels.
Un itinéraire Grenoble-Fontaine, sécurisé et de qualité, est sollicité et nécessaire pour accompagner le développement de la pratique du vélo par les métropolitains de ce secteur. Parlons-Y-Vélo rejoint pleinement l’ADTC - Se déplacer autrement dans son communiqué de presse.
Cela fait des années que le sujet de la Chronovélo fait l’objet d’un passage de balle entre la ville de Fontaine, la ville de Grenoble et la Métropole. Dans les faits, Franck Longo s’est engagé à travers le Pacte pour la Transition pour le soutien du développement des mobilités actives. Dans le contexte actuel d’urgence climatique et de mise en place de la ZFE, son appel à « faire du bruit » pour la réouverture du Pont Esclangon aux motorisés dans le sens Grenoble-Fontaine n’est ni plus ni moins qu’un appel à l’usage inconsidéré et systématique de la voiture.
Nous en venons presque à regretter Jean-Paul Trovero qui, au moins, avait un accent sympathique quand il nous la mettait à l’envers ! 🙁