Une demande citoyenne de longue date
La TempoVélo des quais, en rive gauche de l’Isère, consistait en une voie bidirectionnelle cyclable prise sur l’emprise d’une voie motorisée allant de la place Hubert Dubedout (pont de la porte de France) au Pont de Chartreuse à l’entrée de l’île verte. En plus de créer un axe cyclable structurant au Nord du centre-Ville, sa présence sécurisait le cheminement piéton sur les bords de l’Isère et limitait les prises de vitesses excessives pour les véhicules motorisés. Sa conception large permettait son emprunt par les ambulances, qui pouvaient ainsi gagner de précieuses minutes pour se rendre à l’hôpital.
Cet axe est demandé par les associations d’usagers depuis au moins 20 ans. Dans le premier baromètre des villes cyclables en 2017, la traversée Est-Ouest du Polygone à l’Ile Verte ressort comme un besoin fort dans les commentaires. La première cartographie des tronçons et points noirs cyclables de 2019 plébiscite des améliorations sur cet itinéraire. La demande reste vraie pour la troisième édition de 2021.
Disparition au changement de mandat en 2020
Malheureusement, le 2 novembre 2020, la TempoVélo des quais est démontée, 6 mois seulement après son ouverture. Le Vice-Président aux infrastructures cyclables et aux mobilités douces a changé. Contrairement à son prédécesseur Yann Mongaburu, Sylvain Laval dispose de surcroît du « pouvoir de voirie ». Avec le pouvoir de police de la ville de Grenoble encore délégué à la métropole lors du précédent mandat, il peut globalement faire ce qu’il lui plaît en matière de mise en place (ou de suppression) d’infrastructures.
« En politique, ça compte de donner des signals (sic) et des symboles » déclarait Sylvain Laval au comité syndical du SMMAG (12/11/2020). Que le premier acte du maire de Saint-Martin-le-Vinoux soit la suppression d’une piste cyclable sur Grenoble — piste au programme d’Éric Piolle tout juste réélu — le signal est fort. Il peut sciemment ignorer une demande citoyenne locale, surtout si cela lui permet d’affirmer son pouvoir nouvellement attribué face à la ville centre.
Une absence de données chiffrées fiables
Si cette Tempovélo avait rapidement conquis le cœur des cyclistes, elle restait très critiquée par les détracteurs des politiques cyclables. Elle était accusée d’augmenter la congestion routière sur les quais, voire pour certains d’être « vide » de cyclistes. Mais il est très difficile de juger de telles affirmations tant le manque de transparence à ce sujet de la part de la Métropole est criant. Par exemple, des travaux de chauffage urbain très impactants sur les voiries ont été réalisés dans le secteur de l’Ile Verte, dans les mêmes temporalités que la présence de la Tempovélo.
Aucune étude de trafic n’a été rendue publique. Dans ce contexte, affirmer que la suppression de la piste permettrait de résorber les difficultés de circulation automobile ne repose sur rien, et n’a aucun autre intérêt que de flatter les opposants aux changements.
Une série d’accidents en 2021
Le 18 avril 2021 un jogger est fauché par un automobiliste ivre sur le pont de Chartreuse. Le 10 mai, un accident grave pour excès de vitesse a lieu quai Claude Brosse. Huit associations et collectifs demandent un groupe de travail pour l’apaisement des quais de toute urgence. À ce jour rien n’a évolué. Les associations n’ont pas été rencontrées et aucune mesure de réduction de trafic ou de limitation de vitesse n’a été prise sur les quais. Pourtant depuis la ville de Grenoble a récupéré son pouvoir de police et pourrait légitimement agir pour limiter le trafic de transit à cet endroit.
Un projet exclu du budget participatif de 2022
Un habitant grenoblois a proposé au budget participatif 2022 de la ville de Grenoble un projet de piétonisation du quai Stéphane Jay entre le pont Marius Gontard et la passerelle Saint-Laurent. L’idée était de réaliser une étude de report de trafic, d’interdire la circulation motorisée et de réaliser des aménagements simples (bancs, jeux, terrasse, végétalisation) autant que possible par le budget disponible.
Le projet a été plébiscité au « forum des idées » de mars 2022 (sorte de premier tour du budget participatif) puisqu’il est arrivé en tête des 32 projets sélectionnés pour le vote final.Hélas, quelques mois plus tard, malgré l’engouement et les articles dans les médias locaux, c’est un communiqué de presse laconique de la ville de Grenoble qui annonce que le projet ne sera pas mis au vote car ce quai fait partie des « sites d’implantation ciblés où des projets sont déjà programmés ».
Ainsi, en dépit de nos demandes et de nos relances, des promesses de concertation, de travailler ensemble et de s’appuyer sur l’expertise des usagers, c’est de cette manière que nous apprenons que les collectivités avancent sur ce projet mais le fait d’être ainsi tenu en marge n’est pas pour nous rassurer.
Pour la remise en place de la Tempovélo des quais, en attendant un aménagement définitif
Comme nous l’avons vu dans notre précédent article, les raisons pour mettre en place de nouvelles TempoVélos à court terme ne manquent pas. Les cyclistes en ont assez d’attendre des années un « aménagement qualitatif » définitif sur les quais dans un délai non précisé, et demandent la remise en place d’une TempoVélo en attendant cet aménagement.
Bonjour, votre article ne mentionne pas la double voie dédiée aux vélos qui existe déjà sur l’autre rive de l’Isère, quai Perriere, sur un parcours rigoureusement parallèle à votre proposition. Pourquoi dupliquer ?
Bonjour,
Il existe en effet une piste cyclable bidirectionnelle en rive droite de l’Isère.
Celle-ci est déjà très fréquentée (le compteur vélo Porte de France indique entre 2 000 et 3 000 cyclistes par jour ouvré). Elle est utile pour rallier notamment La Tronche et Meylan depuis le nord-ouest de l’agglomération. À certains endroits, elle est confondue avec l’espace piétonnier du quai Perrière.
Elle souffre ainsi de conflits d’usage avec les piétons notamment en période ensoleillée et le week-end.
De plus, elle n’est pas très attractive pour des cyclistes désirant se rendre de la gare à l’Ile Verte par exemple : il faut franchir l’Isère deux fois, par des ponts dont l’aménagement est soit médiocre (traversée complexe, bandes cyclables non séparées…) soit inexistant. C’est donc par les rues piétonnes du centre-ville que s’effectue le flux cycliste.
Notre proposition n’est pas un « doublon » de piste existante. Elle ne correspond pas aux mêmes besoins de déplacement que sa voisine rive droite. Elle permet d’offrir des conditions sécurisées sur un axe dépourvu d’aménagement qualitatif, ce qui permet d’envisager sereinement le vélo pour les habitant-e-s du quai. Elle constitue une première branche d’un potentiel « tour cyclable » du centre-ville piéton permettant de dissuader les cyclistes de traverser celui-ci, qui n’a de sens qu’au plus près du centre piéton (donc rive gauche).
Enfin, rappelons qu’il s’agit d’une demande très importante des cyclistes en 2019, réitérée en 2021 (cf. notre article), malgré la présence de la piste en rive droite depuis presque dix ans.
La présentation que vous faites des dangereux automobilistes pollueurs face aux gentils cyclistes vertueux est très (trop) partisane et va paradoxalement à l’encontre de la protection de l’environnement (mais pas de la gentrification de la rive gauche, ce qui est encore un autre débat).
En effet, Grenoble n’a pas de contournement nord de son agglomération pour les automobilistes, pour des raisons géographiques évidentes. Des projets de tunnels associés parfois à des voies couvertes le long de l’Isère ont été imaginés, mais jamais aboutis pour des raisons de coûts principalement (mais aussi de déport des nuisances sur d’autres communes).
Dans ces conditions, un automobiliste qui arrive par le nord de l’agglomération et doit aller dans la vallée du Grésivaudan a 2 solutions: soit passer par la Rocade Sud et utiliser le contournement sud de Grenoble, soit passer par la Porte de France et les quais – avec le fameux passage à 2 voies qui avait été provisoirement passé à une voie en 2020.
Les conséquences ne se sont pas faites attendre lors du passage à 1 voie des quais: des bouchons qui rendaient cet axe impraticable en semaine.
Vous n’avez qu’à passer ailleurs me direz-vous! Donc prendre le contournement de la Rocade Sud…
Or, sur un trajet type qui va de Voreppe à Corenc, vous prendrez 17km en passant par les quais et 30km en passant par la Rocade Sud, soit +76% de parcours en plus.
Et donc proportionnellement autant de pollution en plus.
Le bilan écologique de votre projet est donc extrêmement négatif, pas besoin de mener une étude d’impact biaisée (comme pour les bassines récemment) à grands frais pour le démontrer.
le passage a une voie du quai Stephane Jay ne me parait pas poser de gros problèmes de debit.
l’article explique bien que les ralentissements constates sont davantage causés par les travaux a l’ile verte. cela a pu s’observer cet automne lors de travaux sur les voies de tram.
de plus avec deux voies les maneuvres de dépassement et rabattement sont fréquentes et dangereuses. c’est cela qui provoque des ralentissements et accidents.
Bilan de 8 mois Tempovélo 2020 : Sur les quais de la rive gauche de l’Isère à Grenoble, seulement 750 usagers par jour ont emprunté ces pistes cyclables temporaires d’après un bilan du SMMAG (ce, alors que les conditions étaient réunies pour qu’il y ait une surfréquentation compte tenu du risque Covid dans les transports en commun…)
Ce qui est une demi « réussite » lors d’un confinement se transforme en cauchemar en temps normal. La neutralisation d’une voie a entrainé une « importante dégradation des conditions de circulation » qui se répercute bien au-delà des quais et de la Porte de France ! C’est un axe stratégique pour les habitants de la Métropole, et les conséquences sont importantes sur cet axe sanitaire, qui doit rester le plus fluide possible, ce qui est exprimé par les services de secours et d’urgence, et les autres acteurs économiques locaux.
En outre, il existe déjà une voie cyclable sur l’autre rive, qui n’est pas congestionnée (je l’utilise régulièrement aux heures de pointes).
Le fait de gêner les automobilistes ne les fait pas disparaitre naturellement, car la circulation est au moins partiellement reportée ailleurs (comme l’a exprimé justement Charles dans son commentaire).
Bref, il faut réfléchir la mobilité au niveau global de la métropole, dans le sens de l’intérêt général, et pas seulement en regardant par le petit bout de la lorgnette partisane.
du coup les pancartes d’enquête publique c’est un poisson d’Avril ?
Bonjour. J’aurai souhaité communiquer mon adhésion à cette piste cyclable qui est tout à fait pertinente. J’ai l’impression que l’enquête publique est un fake. Je suis confiant, cette piste cyclable finira par se faire.